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LES
VERTIGES
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Protocole n° VI.E.1/1998 (F.
Carpentier)
LES
MESSAGES
- Les vertiges sont le plus
souvent bénins et périphériques.
- Ils sont le plus souvent spontanément régressifs, alors que la
sensation vertigineuse est extrêmement gênante et invalidante.
- Il est important de distinguer le vertige du " faux vertige
".
- Les vertiges centraux ne s’accompagnent pas de signes auditifs,
alors que ceux-ci sont très fréquents dans les vertiges périphériques.
- Tout vertige associé à une surdité ou à une paralysie faciale
doit être hospitalisé.
- Tout vertige associé à d’autres signes neurologiques nécessite
une exploration par imagerie en urgence et une hospitalisation.
- Tout vertige périphérique récidivant nécessite une consultation
ORL dans les 48 heures.
- Il est capital aux Urgences de rassurer le patient, de l’isoler et
de lui prescrire un traitement symptomatique le plus rapidement
possible.
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Diagnostic
Ce problème diagnostique est fréquent
dans les services d’Urgences et la pathologie vertigineuse présente des
particularités qu’il convient de souligner d’emblée. En effet, il existe
une différence considérable entre la gêne fonctionnelle et la gravité des
vertiges, ces derniers sont en effet le plus souvent bénins et spontanément régressifs,
alors que la plainte du patient est importante en rapport avec une sensation
vertigineuse gênante et invalidante. Ce ne sont pas les vertiges les plus
violents qui sont les plus graves.
Le vertige doit être défini dans le
sens le plus large du terme, c’est-à-dire non seulement une sensation
rotatoire mais aussi toute hallucination de mouvement dans l’un des 3 plans de
l’espace. Dans cette définition sont non seulement incluses les sensations
rotatoires mais aussi les sensations de déplacement ascensionnel ou de chute,
de roulis et même d’instabilité pseudo-ébrieuse. Toute illusion de
mouvement traduit l’existence d’une atteinte du système vestibulaire et/ou
de ses connexions centrales.
Démarche
Le diagnostic d’un vertige pose un
problème difficile, ses causes sont en effet multiples pouvant siéger sur les
récepteurs périphériques ou sur les centres vestibulaires du tronc cérébral
et du cervelet. S’il peut être le symptôme isolé d’une affection grave,
il est dans la plupart des cas la manifestation d’une simple perturbation
fonctionnelle d’évolution tout à fait bénigne.
Le diagnostic d’un vertige impose une
démarche rigoureuse associant l’interrogatoire du patient et l’examen
clinique (associant un examen otologique en particulier de la fonction
vestibulaire, un examen neurologique et un examen général). Le choix des
explorations fonctionnelles sera guidé par les données recueillies.
Interrogatoire
du vertigineux
Il permet de préciser :
- les caractères du vertige en précisant
:
 | le type du vertige (rotation des
objets ou du sujet, déséquilibre ou sensation d’instabilité) ;
 | le profil évolutif (vertige
paroxystique dont la date de début, la durée et la fréquence peuvent être
précisées : vertige à début brutal dont l’intensité diminue en
quelques jours, troubles de l’équilibre permanent) ;
 | les circonstances de début (notion
de traumatisme, épisode grippal, prise médicamenteuse, alitement prolongé...)
;
 | les facteurs déclenchants
(changement de position ou lors de mouvements de la tête, aggravation dans
l’obscurité...) ; |
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- les signes d’accompagnement :
 | signes otologiques (surdité, acouphènes,
sensation d’oreille bouchée) ;
 | signes neurologiques (céphalées,
signes cérébelleux, atteinte des paires crâniennes...) ;
 | signes végétatifs (pâleur,
sueurs, nausées, vomissements), accompagnés d’une angoisse intense ; |
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- les antécédents otitiques, d’HTA,
de traumatismes... ;
- la prise de traitements médicamenteux ototoxiques ou contraceptifs.
Examen
clinique du vertigineux
- L’examen otologique comprend :
 | l’otoscopie qui permet la
recherche d’un bouchon de cérumen ou d’une otite chronique évolutive,
et écarte une perforation de tympan contre-indiquant les épreuves
caloriques ;
 | la recherche d’un nystagmus
spontané permettant de localiser le siège de l’atteinte (Tabl.
I). Il est rappelé que le nystagmus est un mouvement oculaire
saccadé caractérisé par une secousse lente et une secousse rapide qui détermine
la direction. Le nystagmus peut être absent aux Urgences et il est alors nécessaire
de le rechercher sous lunettes de Frenzel (à faire réaliser par l’ORL) ;
 | la recherche d’une déviation
segmentaire par les manœuvres des index et de Romberg et au cours de la
marche aveugle ;
 | l’audition est testée à la voix
et à l’aide de diapason, et un examen audiométrique est obligatoire. |
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TABLEAU
I : Topographie du nystagmus selon ses caractéristiques |
Nystagmus |
Périphérique |
Central |
Direction |
Unidirectionnel (bat du côté
opposé à la lésion) |
Multidirectionnel |
Forme |
Horizontal et rotatoire |
Pur (rotatoire
pour le bulbe, horizontal pour la protubérance, vertical pour les pédoncules) |
Effet de la fixation oculaire |
Inhibition du nystagmus |
Augmentation du nystagmus |
Déviation des index |
Déviation lente homolatérale
à celle des index |
Déviation lente controlatérale
à celle des index |
- La recherche d’une atteinte associée
des nerfs crâniens.
- L’examen neurologique porte sur les fonctions cérébelleuse et pyramidale.
- L’auscultation cardiaque et des gros vaisseaux, la prise de la tension artérielle
couchée et debout (si possible) doivent être systématiques.
Au terme de
l’interrogatoire et de l’examen clinique au service d’Urgences
Il est parfois simple de faire le
diagnostic :
- de vertige central avec un nystagmus multidirectionnel, vertical ou
horizontal, ne disparaissant pas lors de la fixation oculaire ;
- de vertige périphérique devant un nystagmus horizonto-rotatoire dans une
direction et des déviations segmentaires en direction opposée (syndrome
vestibulaire harmonieux).
Il est aussi facile au terme de l’examen neurologique d’éliminer les "
faux vertiges " où il n’existe pas de sensation de déplacement de
l’environnement. Les diagnostics les plus fréquents de ces faux vertiges sont
une hypotension orthostatique, un malaise vagal, une crise d’angoisse, une
hypoglycémie.
En dehors de ces situations, il est parfois difficile de faire un diagnostic
topographique précis et le recours à un examen cochléo-vestibulaire en ORL
est nécessaire.
Enfin, il faut préciser que le vertige et les signes végétatifs associés
peuvent dominer la scène empêchant la réalisation dans de bonnes conditions
de l’interrogatoire et de l’examen clinique. L’urgence devient alors thérapeutique,
l’interrogatoire et l’examen otologique sont différés et seront effectués
après amélioration des symptômes.
Explorations
fonctionnelles
- Tout vertige " authentique
" doit être exploré, d’autant plus qu’il s’agit d’une première
manifestation, afin d’éviter de regrettables erreurs ou un retard
diagnostique. Ces explorations fonctionnelles seront guidées par les données
de l’interrogatoire et de l’examen clinique en fonction du caractère périphérique
ou central du vertige. Les vertiges périphériques doivent bénéficier d’un
avis spécialisé ORL le plus rapidement possible, dans un délai inférieur à
48 heures après le passage au service d’Urgences. Les vertiges d’allure
centrale seront en revanche confiés immédiatement aux neurologues, de même
que devant tout doute diagnostique.
- L’examen cochléo-vestibulaire, à réaliser au cours d’une consultation
ORL, comprend une épreuve calorique à la recherche d’une diminution de la réflectivité
calorique, une épreuve rotatoire (nystagmogramme), une étude de
l’oculomotricité visant à enregistrer et quantifier les mouvements oculaires
par analyse des mouvements oculaires saccadiques ou lents de poursuite et un
examen de l’audition (impédancemétrie et potentiels évoqués auditifs).
- L’imagerie par scanner cérébral ou IRM est à réserver aux vertiges
centraux et à la pathologie de l’oreille moyenne, l’accès au plateau
technique doit alors se faire dans les plus brefs délais (cf. Conférence
de Consensus sur les AVC).
Vertiges
d’origine périphérique
Il est classique de distinguer 4 entités
cliniques de vertiges périphériques :
La maladie
de Ménière
Elle associe :
 | acouphènes survenant 24 à 48
heures avant la crise ;
 | vertige rotatoire avec nausées et
vomissements durant quelques minutes à quelques heures ;
 | surdité ou hypoacousie unilatérale
;
 | sans autre signe neurologique. |
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Les crises se renouvellent au cours du
temps et s’accompagnent à long terme d’une dégradation de l’audition et
d’instabilité.
Le vertige
positionnel paroxystique bénin (VPPB)
Il est le plus fréquent des vertiges périphériques,
de durée très brève (quelques minutes) et se traduit par des attaques
soudaines déclenchées par certaines positions de la tête. Il existe une
sensation de déséquilibre avec malaise neurovégétatif, sans surdité ni
acouphènes et sans aucun signe neurologique accompagnateur. Ce VPPB est attribué
à une cupulolithiase dont la mobilisation déclenche le vertige (manoeuvre de
Dix et Hallpike).
La névrite
vestibulaire
Elle se traduit par une grande crise
vertigineuse aiguë, d’apparition brutale. L’examen retrouve un syndrome
vestibulaire périphérique unilatéral associé à un syndrome neurovégétatif,
mais sans acouphène, sans trouble de l’audition, ni signes neurologiques.
L’épisode aigu dure 1 à 8jours, les signes vertigineux, la sensation de déséquilibre
régressent progressivement en quelques semaines.
Les
pathologies de l’oreille moyenne
- Les labyrinthites secondaires à la
propagation d’un foyer infectieux de l’oreille moyenne ou survenant au décours
d’un épisode infectieux. La labyrinthite associe un grand vertige rotatoire
avec nausées et vomissements, associé à une surdité totale. Il est capital
de rechercher l’existence d’un syndrome infectieux associé soit à des
signes locaux à type d’otalgie, d’otite moyenne (diagnostic de labyrinthite
infectieuse), soit à des vésicules au niveau de la conque ou d’une paralysie
faciale (diagnostic de zona auriculaire).
- Les tumeurs de l’angle ponto-cérébelleux sont largement dominées par le
neurinome de l’acoustique.
- Les fractures du rocher au cours de traumatismes crâniens qui entraînent un
vertige rotatoire intense associé à une surdité, une otorragie, une paralysie
faciale. Elles imposent la réalisation d’un scanner cérébral avec fenêtres
osseuses en urgence, d’autant plus qu’il existe des signes neurologiques en
rapport avec un hématome extra-dural ou intracérébral. Ces étiologies sont
les plus fréquentes dans la pratique quotidienne aux Urgences, mais il faut
souligner qu’il ne s’agit que d’un diagnostic de présomption. La
vigilance du clinicien doit rester en alerte et devant tout symptomatologie
atypique et/ou récidivante, il est impératif d’adresser le patient avant sa
sortie du service des Urgences à un ORL pour ne pas ignorer un diagnostic de
cholestéatome de l’oreille ou de neurinome de l’acoustique.
Vertiges
centraux
Les vertiges centraux sont nettement
moins fréquents que les vertiges périphériques. Ils se caractérisent le plus
souvent, par un début progressif et par l’absence de signes auditifs, par une
durée brève mais ils sont récidivants et d’évolution prolongée pendant
des semaines ou des mois. Les signes neurovégétatifs sont absents alors que
des signes neurologiques sont associés (troubles sensitifs de la face, troubles
oculomoteurs, troubles de la déglutition, troubles cérébelleux...).
- Les vertiges d’origine vasculaire sont de diagnostic difficile et justifient
une démarche diagnostique méthodique :
 | ces vertiges sont dominés par
l’insuffisance vertébro-basilaire (IVB) associant un vertige à
l’existence d’au moins 2 autres symptômes (Tabl.
II) ;
 | les infarctus bulbaires se caractérisent
par un grand vertige " meniériforme " inaugural avec nystagmus
battant du côté opposé à la lésion, associé à des signes
neurologiques (avec du côté de la lésion une paralysie de l’hémivoile
ou d’une corde vocale, une anesthésie cornéenne et faciale, une énophtalmie,
un hémisyndrome cérébelleux et du côté opposé une anesthésie
thermo-algique de l’hémicorps) ;
 | les infarctus cérébelleux
associent au vertige rotatoire des céphalées, une ataxie, un syndrome cérébelleux...
;
 | les hémorragies cérébelleuses,
dans un contexte d’HTA, se caractérisent par l’installation brutale de
céphalées postérieures, de vomissements accompagnés d’un grand vertige
rotatoire évoluant rapidement vers l’apparition de troubles de la
conscience. |
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Il faudra savoir discuter le recours à
l’imagerie neurologique (scanner, IRM, angiographie) en s’aidant au besoin
de l’avis d’un neurologue pour la conduite thérapeutique qui peut aller de
l’abstention jusqu’à l’intervention neurochirurgicale en passant par
l’héparinothérapie (Tabl. I
et II).
- La migraine basilaire est caractérisée par une phase prodromique (vertige
rotatoire, acouphènes, phosphènes, scotomes...) précédant l’installation
d’une céphalée postérieure bilatérale accompagnée de vomissements.
- La sclérose en plaques au cours de laquelle les vertiges sont fréquents,
lors des premières poussées et peuvent même être le seul signe inaugural.
- Les intoxications médicamenteuses peuvent entraîner des vertiges centraux
par leur action dépressive sur le système vestibulaire du tronc cérébral
(barbituriques, antihistaminiques, hydantoïnes).
TABLEAU
II : Symptômes évocateurs d’accidents ischémiques transitoires
vertébro-basilaires au cours d’un vertige central |
 | Déficit moteur touchant
un ou plusieurs membres
 | Troubles sensitifs
touchant un ou plusieurs membres et parfois la face
 | Ataxie
 | Hémiparésie, hémi-ataxie
 | Dysarthrie, dysphagie
 | Nerfs crâniens unilatéraux
: V, VII, VIII
 | Surdité uni ou bilatérale
 | Diplopie
 | Troubles de vigilance ou
de conscience
 | Désordres visuels
(amaurose, HLH) |
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Groupement obligatoire de 2
symptômes en plus du vertige |
Traitement
Aux Urgences, il convient de soulager
au plus vite le patient. Le traitement d’un vertige rotatoire est
essentiellement symptomatique et comprend :
- le repos au lit, dans l’obscurité (si possible à l’UHCD) ;
- l’administration intraveineuse d’antivertigineux (Tanganil ® ), à raison
de 3 ampoules par 24 heures ;
- un anxiolytique et un antiémétique (Primpéran ® ) en intraveineux à
raison de 3 ampoules par 24 heures (attention aux antécédents de troubles
extrapyramidaux ou de dyskinésies !).
Critères
d’hospitalisation
Tout vertige s’accompagnant d’une
surdité ou d’une paralysie faciale doit être hospitalisé dans les plus
brefs délais de préférence en ORL. De même tout vertige s’associant à un
état fébrile et à des signes neurologiques de focalisation doit conduire à
la réalisation en urgence d’une imagerie par scanner ou IRM, et à
l’hospitalisation.
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